A partir du 18e siècle, l’industrie textile prend le relais l’activité minière. Proche des capitales alsaciennes et lorraines, le Val d’Argent dispose d’une main d’œuvre qualifiée, de l’eau non calcaire et d’infrastructures héritées de la période minière (canaux industriels), facilitant sa reconversion dans le textile. 

Originaire de Mulhouse, Jean-Georges Reber est l’un des premiers à s’implanter dans le Val d’Argent en 1755 et d’autres industriels suivent son exemple, en produisant du tissu de haute qualité à base de coton ou de soie. A partir de 1840, le Val d’Argent se spécialise dans le tissage à base de fibres mélangées.

La vallée aux 150 fabriques

Dès le 18e siècle, l’activité textile du Val d’Argent s’organise sur le modèle de la fabrique dispersée. Les matières premières sont filées et teintes dans des manufactures, puis tissées par des ouvriers travaillant majoritairement à domicile. Cette organisation perdure jusqu’à la fin du19e siècle, car elle présente de nombreux avantages pour le patronat. D’une part, elle réduit les coûts de fonctionnement et les investissements immobiliers de l’entreprise, dans une vallée encaissée où les terrains constructibles sont rares et chers.  D’autre part, elle limite le risque de grève, en dispersant les ouvriers dans un rayon de 30 km autour du Val d’Argent.

Tisserand du Val de Lièpvre vers 1860 – Coll. D. Bouvier
Tisserand du Val de Lièpvre vers 1860 – Coll. D. Bouvier

Il en résulte une organisation spatiale originale, particulièrement visible à Sainte-Marie-aux-Mines. Le patronat s’approprie les terrains du centre ville, et y créée des manufactures de petite et de moyenne taille. Celles-ci s’intègrent dans le bâti existant hérité du 16e – 18e siècle, ou dans des bâtiments spécifiquement construits à cet usage. En raison de leur forme rectangulaire, ces fabriques sont appelées « usines blocs », organisées sur 3 ou 4 étages. Dans le Val d'Argent, on dénombre jusqu'à 150 fabriques, dont une centaine sur la seule ville de Sainte-Marie-aux-Mines. Elles font vivre un bassin d'emploi de près de 20.000 personnes au total. Malgré la cherté et la rareté des terrains, elles sont fréquemment bordées par des jardins industriels.

Maison Reber Blech vers 1823
Maison Reber Blech vers 1823

Le centre ville est également émaillé par des maisons patronales. Leur implantation au centre ville, en bordure des rues principales, et leur architecture ornementale (balcon, comble brisé à mansarde centrale, fronton orné…) affichent symboliquement l’assise du fabricant sur le territoire, qu’il domine par sa puissance économique.

La reconversion vers la laine et ses conséquences

En 1871, l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne ébranle ce mode de fabrication dispersée. En raison des barrières douanières instaurées, les exportations vers la France deviennent impossibles, et l’industrie locale se tourne vers les produits lainiers, demandés par la clientèle allemande. De 1874 à 1886, la reconversion à la laine est totale. La conquête du marché allemand est un succès et la qualité des produits permet très rapidement de reconquérir le marché français. 

Cette reconversion vers les produits lainiers accélère la mécanisation des métiers à tisser pour réduire les coûts de production. Les métiers à tisser sont désormais abrités dans des ateliers à toit de shed, de forme triangulaire pour faciliter l’éclairage de l’atelier. Leurs constructions consomment les derniers terrains disponibles, entraînant la disparition des jardins industriels. 

A la même époque, le patronat change d’attitude vis-à-vis du logement ouvrier. La construction de cités ouvrières privées s’intensifie entre 1880 et 1924 dans l’environnement immédiat des usines. Construites sur un plan type, sous la forme de maisons individuelles ou collectives, ces cités sont bordées de jardins, pour la culture d’un potager. A partir de 1905, Sainte-Marie-aux-Mines lance un vaste programme de construction d’immeubles collectifs pour desservir les principaux sites industriels à l’Est et à l’Ouest de la ville. En 1925, elle créée un d’Office d’Habitation à Bon Marché (OHBM), qui prend le relais du programme de construction.

Le long déclin du textile

Après la reprise de 1919, le krach de Wall Street en 1929 freine considérablement les affaires, car 25 à 30% des tissus fantaisie sainte-mariens étaient destinés à l’exportation. Pourtant, l’industrie textile sainte-marienne trouve des débouchés commerciaux intéressants, en fournissant par exemple les plaids pour fauteuils des avions de la compagnie Air France. 

L’arrivée des Allemands en juin 1940 marque une nouvelle rupture et la fin de « l’article de Sainte-Marie » jusqu’à la Libération. Avec le réapprovisionnement régulier en matière première, une nouvelle période de prospérité s’ouvre en 1946. Sainte-Marie-aux-Mines redevient un grand centre lainier. Les mélanges de coton et de laine aboutissent à la création du « Lavablaine », premier tissu lavable à la machiner à laver. 

Cette période euphorique est de courte durée car une nouvelle crise secoue l’industrie textile à partir de 1954. Celle-ci trouve ses origines dans la mévente des tissus écossais, spécialité des tissages locaux, les hausses des matières premières et des salaires, et le vieillissement du matériel et des méthodes de production. Confrontées à de fréquents problèmes de trésorerie, de nombreuses entreprises ne parviennent pas à s’adapter aux nouvelles exigences du marché. La crise se généralise au cours des années 1960 et 1970 et les usines ferment les unes après les autres, véhiculant une image négative du territoire.

Friche de l’usine Blech vers 1980 –  Fonds Adam / médiathèque du Val d’Argent.
Friche de l’usine Blech vers 1980 – Fonds Adam / médiathèque du Val d’Argent.

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